En Martinique, quatre espèces marines constituent une menace forte pour les écosystèmes marins. Parmi elles, deux espèces exotiques envahissantes : le poisson-lion (Pterois volitans) et l’halophile stipulée (Halophila stipulacea), phanérogame qui colonise les fonds marins à la place des 6 autres espèces autochtones de la région. Ces espèces exotiques envahissantes (EEE) peuvent avoir des incidences très fortes sur les écosystèmes marins d'où elles ne sont pas originaires : compétition pour l'espace ou la ressource avec d'autres espèces, modification des niches écologiques ou encore modification des réseaux trophiques.
On retrouve aussi deux espèces d'algues envahissantes, mais non exotiques, qui sont aujourd'hui sources d'une grande pression dans l'ensemble des îles de la Caraïbe : les sargasses, avec Sargassum fluitans et S. natans.
L'halophile stipulée
Peuplement d'Halophiles stipulées, espèce introduite dans les Caraïbes (source : Benjamin de Montgolfier - Aquasearch)
Cette espèce végétale a une capacité de bouturage et de colonisation des fonds marins très rapide. Elle entre en compétition directe avec des espèces locales (Thalassia testudinum et Syringodium filiforme), pouvant amoindrir la fonctionnalité des écosystèmes et provoquer une homogénéisation du paysage et la disparition d’espèces. L’espèce a colonisé en très grande partie la Côte Sous-le-Vent de la Martinique, mais également certaines baies abritées de la Côte-au-Vent (Robert, Le François, Vauclin). Il semble cependant que la répartition de Halophila stipulacea soit désormais stabilisée, en dehors peut-être de quelques zones soumises à de fortes pressions de mouillages, comme aux Anses-d’Arlet par exemple (EDL 2019, DEAL).
Le caractère « invasif » de Halophila stipulacea doit cependant être nuancé depuis quelques années. En effet, bien qu’elle soit en compétition avec les espèces natives de phanérogames marines, l’espèce assure des fonctions écologiques d’herbiers notables, à savoir : nourricerie de juvéniles de poissons, fixation des sédiments... De plus, les plages de tolérance de luminosité et de salinité de l'espèce lui ont permis de conquérir de nouveaux habitats non occupés par les espèces natives, pouvant concourir de façon globale à une augmentation de la superficie des herbiers (constatée en Martinique) et donc de leur productivité vis-à-vis des services écosystémiques.
Le poisson-lion
Poisson-lion dans un récif corallien (Lucas Pelus)
Le poisson-lion est un redoutable prédateur benthique qui se nourrit en grande quantité de juvéniles de poissons et qui a une capacité de reproduction très rapide. Sa propagation peut entraîner une diminution de la diversité spécifique ichtyologique, ainsi qu’une diminution de l’abondance. L’espèce est désormais présente tout autour de l’île. Aucune cartographie de densités de l’espèce n’a été réalisée.
Les études récentes sur des récifs artificiels (OMMM, 2017) mettent en évidence un impact majeur du poisson-lions sur les proies potentielles (-49 % d’abondance en moyenne) mais également sur ses compétiteurs potentiels (mérous, vivaneaux, rascasses). La présence du poisson-lion dans les récifs de Martinique contribue à une répartition inégale et déséquilibrée des autres espèces prédatrices, soit par occupation de la niche écologique, soit par compétition pour les proies. Les zones de fortes densités de poissons-lion révèlent un déficit en espèces naturelles prédatrices (Trégarot E., Cornet C., Maréchal JP., 2017).
La dynamique des populations de cette espèce est a priori désormais stabilisée : la densité de poissons-lions semble s'être équilibrée après une phase de croissance rapide les premières années suivant son apparition en Martinique (2011) et la densité moyenne sur les récifs côtiers, bien que variable selon les sites et les profondeurs, est globalement désormais inférieure au pic de densité rencontré entre 2013 et 2015 (résultats des enquêtes de la DEAL auprès des clubs de plongée en 2017).
Les sargasses
Banc de sargasses échoué dans un petit fond côtier (Jonathan Priam)
La sargasse est une algue naturellement présente dans les Antilles mais qui prolifère de façon excessive depuis 2011 avec le déréglement climatique, ce qui aboutit à la formation de radeaux de grande superficie qui s'échouent sur les littoraux et les petits fonds côtiers. Outre des dangers sanitaires avérés sur la santé humaine (plus d'informations sur l'ARS Martinique à ce sujet : ici), une accumulation de ces algues sur le littoral et les plages peut avoir des conséquences très variables sur l'environnement :
- étouffement des écosystèmes par putréfaction des algues échouées ;
- enrichissement du milieu et augmentation de la turbidité par putréfaction des algues ;
- diminution de la luminosité des colonnes d'eau sous les radeaux stagnants : diminution de la photosynthèse et anoxie du milieu ;
- dégradation de la qualité physico-chimique des eaux.
Les relevés réalisés par la DEAL durant l’année 2018 ont permis de cartographier les zones d’accumulation et de faire le parallèle avec les superficies de certaines biocénoses marines. Ainsi, il est apparu que 5.71 ha de zones coralliennes et 566 ha d’herbiers étaient impactés par ces radeaux flottants :
Pour aller plus loin
Sur le site de la DEAL Martinique, retrouvez de nombreuses informations relatives aux espèces exotiques envahissantes (dont marines) :
- définition et impacts des EEE : ici ;
- réglementation : ici ;
- connaissance des EEE marines : ici ;
- et bien d'autres : ici.
Retrouvez de plus amples informations sur la pression 'sargasses' dans le cahier n°3 de la révision de l'état des lieux 2019, dans le cadre de la DCE, en Martinique :
Sur le site de la DEAL Martinique, suivez le dispositif de surveillance et de prévision des échouages des sargasses : ici, et les bulletins de prévisions des échouages : ici.
Sur l'observatoire de la dynamique du littoral martiniquais (OLIMAR), retrouvez des informations sur les sargasses ici.
Retrouvez aussi les informations relatives à la gestion des échouages de sargasses présentées lors du CEB de juin 2020 : ici.
Enfin, retrouvez le plan national de prévention et de lutte contre les sargasses 2022 - 2025 :